2010-12-10

Wall.E : synthèse





En 2008, Andrew Stanton, des studios




après avoir réalisé Le Monde de Némo et avoir été capable des simulations réalistes de la physique sous-marine, pouvait donc créer un film se déroulant en grande partie dans l'espace. C'est Wall.E

C'est un film d'animation, qui bien que pour la 1ere fois contient des scènes en prises de vues réelles, est en images de synthèse.

Cette expression technique ne fait plus réagir, tant on est habitué à l'entendre et à voir des longs métrages en images de synthèse. 

Je vous propose de s'y arrêter pourtant l'instant de quelques clics.
Les images que nous voyons lorsqu'elles sont dites de synthèse, ne sont plus l'enregistrement de la lumière. La nature chimique des images sur pellicule a laissé place à des images mathématiques.

Je crois que cette nouvelle nature ou "forme" de l'image transforme notre relation au cinématographe. J'emploie la forme complète du mot pour signifier toute l'épaisseur de son histoire et peut-être, tel qu'il avait été inventé, sa présente nature fossile, puisqu'aujourd'hui, ce cinéma n'est plus qu'une part de plus en plus discrète de l'industrie mondiale de l'Entertainment des standards hollywoodiens.

Si donc ces images sont de synthèse, c'est qu'elles sont la synthèse de quelque chose. 

Wall.E exprime cette synthèse, je crois, très manifestement.
Cette synthèse, je vous propose de la voir par les références explicites et implicites dont le film joue pour affirmer un propos moins innocent qu'il pourrait paraître. 

Autrement dit, quel est le statut de la référence dans Wall.E ?

Certains pourraient avancer que les films d'animation ont besoin de références à des classiques afin d'épaissir leur contenu trop mince, que ce sont des films destinés principalement aux enfants et que les clins d'oeil au cinéma font plaisir aux réalisateurs et rassurent les parents de la tenue morale du divertissement qui est proposé au jeune public, car personne n'est dupe, tout ceci est "l'enfance de l'art" d'un art pour les enfants. 

Il est remarquable tant cela est évident que Wall.E commence comme tous les classiques de science-fiction. Quelques plans du cosmos situent l'action, ancrent le film dans son genre. Bref, le film fait référence aux codes classiques du cinéma de science-fiction.


 Tout d'abord, un champ d'étoiles comme tous les champs d'étoiles que nous avons traversés dans la Boite Noire. 


Une autre vue de l'univers. Matte painting ? Non, image de synthèse : des 0 et des 1.


On fait des images comme ça aussi avec Hubble...


Il s'agit sans doute de la part des studios Pixar de montrer la qualité de leur animation et la maîtrise acquise au cours des films. Ce début de film est peut-être aussi une carte de visite. 

Il n'en reste pas moins qu'elle plonge le spectateur, comme il le souhaite, s'il est là pour voir un film de science-fiction, dans une autre dimension visuelle, un infini, un émerveillement conservé de l'enfance. 



Autre plan : on reconnaît notre système solaire. Immédiatement, la profondeur de champ -Graal du film de science-fiction, est magistralement montrée ; en effet, il n'y a plus techniquement de problème d'intégration d'un objet au premier plan avec un "fond" puisque l'image de synthèse synthétise les différents plans, les traitant comme un tout. 

L'histoire de la profondeur de champ que la Boite Noire veut esquisser par le champ d'étoiles trouve dans les films d'animation sa conclusion logique. 






J'aime particulièrement ce photogramme. Vous voyez les hexagones, taches lumineuses du soleil diffractées par l'optique d'une caméra qui n'existe pas ! 

Ce clin d'oeil audacieux au "cinéma de papa" signe immédiatement Wall.E comme un film réflexif sur le cinéma et plus encore comme un film "réfléchissant". 

Le défi de la profondeur de champ ayant été techniquement gagné, il s'agira donc plus que jamais de donner au récit sa profondeur. 

C'est bientôt dans la Boite Noire.


2010-08-15

2010 : le passé du futur


En 1984, Peter Hyams, à qui on doit Capricorn One en 1977 et Outland en 1981 avec Sean Connery, adapte un roman d'Arthur C. Clarke avec qui il sera en contact par email durant le tournage. Cet échange par email est à cette époque une nouveauté et constitue le premier exemple d'une telle correspondance. On peut lire ces emails dans le livre The Odyssey File.

Le film sur lequel les deux hommes travaillent, c'est


16 ans après 2001, 2010 : l'année du premier contact dit, dès sons sous-titre, son ambition. Suite au chef d'oeuvre de S. Kubrick, le film oscille entre l'hommage et l'exégèse. Le film n'a pas un grand succès et existe pour de nombreux commentateurs dans l'ombre de son modèle. 

Si 2001 est encore une référence dans l'histoire de la science-fiction au cinéma, c'est parce que le film projetait un futur. 2010 appartient aux années 80 : les effets spéciaux sont très honnêtes mais sont déjà une redite ; le thème de la guerre froide dans lequel s'inscrivent les relations entre les astronautes américains et le cosmonautes russes fige le film dans son époque ; de même, les plans du vaisseau spatial Leonov ne tiennent pas la comparaison avec les "plans hommage" à 2001 de Alien (1979).

Cela dit, 2010 est plein de curiosités. Boite Noire en propose quelques unes en quelques photogrammes. 
Le film s'ouvre sur un prologue explicatif, utilisant des photogrammes de 2001



Le monolithe n'est pas trouvé dans 2001 dans la mer de la tranquilité mais dans le cratère de Tycho à plusieurs centaines de kilomètres de la mer de la tranquilité. (2010 comprend de nombreuses "erreurs" ou approximations de la sorte.)

2010 expose immédiatement son défaut principal : il ne laisse pas de place à l'énigme, au mystère créé par S. Kubrick.


 Bowman ne prononce pas cette phrase dans 2001. En revanche, elle apparaissait dans le roman de A. C. Clarke. 

Autre exemple de "révélation" : le public sait dès le prologue que le monolithe contient des étoiles ! 


La petite soeur de HAL, SAL a la voix de Candice Bergen (épouse du réalisateur Louis Malle.)


Phoenix, c'est le nom donné à la mission. C'est aussi le projet de Peter Hyams : faire revivre 2001...


Sur la banc à droite, docteur Heywood Floyd (Roy Scheider Jaws ! ) porte une cravate qui disparaît au plan suivant. Le vieil homme seul à gauche, c'est Arthur C. Clarke. 


Plus de cravate ! Arthur C. Clarke au second plan. 

A bord du Leonov (le vaisseau russe à bord duquel les américains volent en direction du vaisseau The Discovery)


Le texte en anglais en lettres rouges sous l'écran en russe (!) est un extrait...des consignes d'utilisation des toilettes dans 2001 ! (La référence se niche dans les détails.)

Autre hommage :

A gauche, Arthur C. Clarke, à droite, Stanley Kubrick.

Stanley Kubrick fit détruire les décors de 2001 afin qu'il ne soit pas réutilisés abusivement comme cela avait été le cas des décors de Spartacus.
Peter Hyams devra se contenter de pièces éparses et reconstituera le vaisseau Discovery selon des photos. `


Mission d'exploration : l'équipe d'astronautes cherche l'origine d'un signal...premier contact
L'enchaînement de la séquence est déjà un "classique" : le futur a son passé. 


Changement de plan par l'intermédiaire d'un écran de contrôle. Profondeur de champ par le jeu des cadrages...


Joli plan de la planête glacée. L'ombre portée du module d'exploration est étrange par rapport à la source de lumière. 



La jolie cosmonaute qui pilote le module : Natasha Shneider 1956-2008 (!) d'origine russe joua avec le groupe Queens of the Stone Age et composa des musiques de film (Cat Woman).


Une lumière fuse du sous-sol de la planète, frôle le vaisseau, traverse le champ...



...traverse l'espace.

Black out à bord du vaisseau Leonov, suite au premier signe de cette présence étrange...et vivante ? 



Une séquence : le passage du Leonov près du satellite de Jupiter permet de jouer avec la profondeur de champ. La réalisation est classique mais efficace. 


Le vaisseau accélère et s'enflamme. 


Du côté de la face cachée...


Luttant contres les effets de l'accélération... Un exemple de rapprochement américano-soviétique.


Saturation classique du champ par le passage du vaisseau-boule de feu. 

Contre-champ : 


Contre-champ :



On retrouve aussi la scène de la sortie dans l'espace. Même bruitage des respirations... ( C'est l'occasion d'explorer le thème de la fraternité...universelle malgré les dissensions politiques.)

Découverte du monolithe. 


son survol : 



"My God, It's full of stars..."


Quelques autres photogrammes pour vous inviter à découvrir 2010 l'année du premier contact , film à message, film hommage...
(Peut-être, une des plus belles séquence du film.)


Boite Noire ne s'ouvrira pas plus sur le film afin de ne pas vous priver du plaisir de le voir ou de le revoir. 

2010-07-15

War in Space... in Japan



Noël 1977, Star Wars est un événement au Japon. Le cinéma japonais aura son space opera, ce sera 


de Jun Fukuda, réalisateur en 1973 de Godzilla vs Megalon (Gojira tai Megaro).

War in Space est si mauvais que l'on hésite à le qualifier de parodie de Star wars

Les effets spéciaux renvoient la question de la profondeur de champ à ses débuts : les vaisseaux spatiaux flottent dans les airs, suspendus à des fils que le spectateur attentif peut voir. Les champs d'étoiles sont éteints. L'industrie japonaise du cinéma de science-fiction est en 1977 à des années lumière des studios américains. 

Tour d'horizon de War in Space 
1988, la Terre est dans la crainte d'une attaque d'ovnis...
 
qui ont détruit la station orbitale et s'approchent de la Terre.
C'est toutefois sans compter avec le vaisseau Gothen (sans commentaire). 

Les petites boules volantes attaquent...

Vous remarquez les mêmes faisceaux lasers rouges que dans Star Wars !

Quelle variété de point de vue !

Finalement, l'attaque est repousée. Le vaisseau Gothen quitte la Terre pour débusquer l'ennemi sur Vénus. 


L'intégration du vaisseau au matte painting est catastrophique. 

Le vaisseau avance avec des fusées à combustion ! ( Il y a beaucoup de fumée dans War in Space.) 


Arrivée sur Vénus...

Après exploration de la planête, les héros trouvent la base ennemie. 


Les tubes verts sont les voies de circulation. Les suppositoires verts avec lumière rouge, les véhicules. (Boite Noire n'est pas en mesure d'identifier l'usage du multicolore engin au centre. Avis aux lecteurs...)


Mais le maître des lieux aime aussi le style antique...


Perplexes, les héros recherchent Yuko Asano qui joue June Takigawa.


oui, elle ! qui a été habillée par les Vénusiens d'un petit bikini de cuir ! (Yuko Asano deviendra d'ailleurs un sexe symbole). Quant à la bête à côté d'elle, ah ! 
Le chef suprême des ennemis en négociation avec le commandant du Gothen. La diplomatie échouera...
(Drôle de télévision, non ?)
Quoi ! Qu'est-ce ? ? ? 
Ca fait peur, n'est-ce pas ? 



Le cruel chef vénusien paralyse le héros ! 

Bien que l'emploi de costumes est une tradition dans le cinéma japonais, la référence à l'antiquité romaine est étonnante dans un film de science-fiction : peut-être, faut-il y voir le symbole d'un empire militaire expansionniste. Je développerai (un peu) plus tard.

Les héros s'échappent mais tombent sur...


le canada-dry de Chewbacca. Les cornes sont le signe de sa férocite. Le gentil wookie n'en porte pas, comme la hache d'ailleurs. 

Le combat est féroce, vous pouvez imaginer...


Canada-dry Chewbacca meurt...


L'affrontement final est inévitable. 

Un combat naval...dans l'atmosphère enfumée de Vénus ! 


Le vaisseau (galère) vénusien.


Le Gothen possède une arme redoutable : un barillet de revolver laser !


L'arme de destruction des vénusiens : un joli canon à faisceau d'énergie rose et orange. 


Mais les terriens ont l'arme définitive. Le commandant pilote de missile perforant. Cependant, cette arme exige son sacrifice (puisqu'il l'a conduit vers la cible). 

Le commandant a alors cette réflexion : "Cette bombe ne doit jamais être construite à nouveau. Elle ne doit jamais être utilisée. Ceci est ma prière."

War in Space est un hymne au pacifisme (?) une oeuvre évoquant le traumatisme de la bombe atomique. (On sait que ce thème hantera le cinéma japonais.)


Le vaisseau ennemi s'abîme dans un volcan. 


Difficile de supporter le nécessaire sacrifice du commandant.


Les terriens quittent Vénus qui...


explose.

Fin

Boite Noire remercie Yvan Guyot pour avoir fait découvrir cette curiosité dans l'histoire de la science-fiction.