En 2008, Andrew Stanton, des studios
après avoir réalisé Le Monde de Némo et avoir été capable des simulations réalistes de la physique sous-marine, pouvait donc créer un film se déroulant en grande partie dans l'espace. C'est Wall.E
C'est un film d'animation, qui bien que pour la 1ere fois contient des scènes en prises de vues réelles, est en images de synthèse.
Cette expression technique ne fait plus réagir, tant on est habitué à l'entendre et à voir des longs métrages en images de synthèse.
Je vous propose de s'y arrêter pourtant l'instant de quelques clics.
Les images que nous voyons lorsqu'elles sont dites de synthèse, ne sont plus l'enregistrement de la lumière. La nature chimique des images sur pellicule a laissé place à des images mathématiques.
Je crois que cette nouvelle nature ou "forme" de l'image transforme notre relation au cinématographe. J'emploie la forme complète du mot pour signifier toute l'épaisseur de son histoire et peut-être, tel qu'il avait été inventé, sa présente nature fossile, puisqu'aujourd'hui, ce cinéma n'est plus qu'une part de plus en plus discrète de l'industrie mondiale de l'Entertainment des standards hollywoodiens.
Si donc ces images sont de synthèse, c'est qu'elles sont la synthèse de quelque chose.
Wall.E exprime cette synthèse, je crois, très manifestement.
Cette synthèse, je vous propose de la voir par les références explicites et implicites dont le film joue pour affirmer un propos moins innocent qu'il pourrait paraître.
Autrement dit, quel est le statut de la référence dans Wall.E ?
Certains pourraient avancer que les films d'animation ont besoin de références à des classiques afin d'épaissir leur contenu trop mince, que ce sont des films destinés principalement aux enfants et que les clins d'oeil au cinéma font plaisir aux réalisateurs et rassurent les parents de la tenue morale du divertissement qui est proposé au jeune public, car personne n'est dupe, tout ceci est "l'enfance de l'art" d'un art pour les enfants.
Il est remarquable tant cela est évident que Wall.E commence comme tous les classiques de science-fiction. Quelques plans du cosmos situent l'action, ancrent le film dans son genre. Bref, le film fait référence aux codes classiques du cinéma de science-fiction.
Tout d'abord, un champ d'étoiles comme tous les champs d'étoiles que nous avons traversés dans la Boite Noire.
Une autre vue de l'univers. Matte painting ? Non, image de synthèse : des 0 et des 1.
On fait des images comme ça aussi avec Hubble...
Il s'agit sans doute de la part des studios Pixar de montrer la qualité de leur animation et la maîtrise acquise au cours des films. Ce début de film est peut-être aussi une carte de visite.
Il n'en reste pas moins qu'elle plonge le spectateur, comme il le souhaite, s'il est là pour voir un film de science-fiction, dans une autre dimension visuelle, un infini, un émerveillement conservé de l'enfance.
Autre plan : on reconnaît notre système solaire. Immédiatement, la profondeur de champ -Graal du film de science-fiction, est magistralement montrée ; en effet, il n'y a plus techniquement de problème d'intégration d'un objet au premier plan avec un "fond" puisque l'image de synthèse synthétise les différents plans, les traitant comme un tout.
L'histoire de la profondeur de champ que la Boite Noire veut esquisser par le champ d'étoiles trouve dans les films d'animation sa conclusion logique.
J'aime particulièrement ce photogramme. Vous voyez les hexagones, taches lumineuses du soleil diffractées par l'optique d'une caméra qui n'existe pas !
Ce clin d'oeil audacieux au "cinéma de papa" signe immédiatement Wall.E comme un film réflexif sur le cinéma et plus encore comme un film "réfléchissant".
Le défi de la profondeur de champ ayant été techniquement gagné, il s'agira donc plus que jamais de donner au récit sa profondeur.
C'est bientôt dans la Boite Noire.